Apple et Meta sanctionnés : ce que ça change pour l'App Store et vos données

C’est une décision inédite et hautement symbolique que la Commission européenne a annoncée ce mercredi. Pour la première fois depuis l’entrée en vigueur du Digital Markets Act (DMA), deux des plus puissants géants du numérique américains, Apple et Meta, sont lourdement sanctionnés pour infraction aux nouvelles règles européennes sur les marchés numériques. L’institution inflige une amende de 500 millions d’euros à Apple et 200 millions d’euros à Meta, dénonçant des pratiques contraires à l’esprit de la régulation.
Une loi pour encadrer les abus des grandes plateformes
Adopté pour mieux encadrer les pratiques des grandes plateformes en ligne, le Digital Markets Act, entré en vigueur en mars 2024, vise à limiter les abus de position dominante et à rééquilibrer le rapport de force entre les géants du numérique et les autres acteurs du marché, notamment les PME et les consommateurs. L’objectif ? Favoriser la contestabilité des marchés et garantir aux utilisateurs une véritable liberté de choix.
Après un an d’enquête, les conclusions de la Commission sont claires : Apple et Meta ont failli à leurs obligations.
Apple : des restrictions commerciales jugées illégales
Apple est sanctionné pour avoir restreint la capacité des développeurs d'applications à informer leurs utilisateurs de l’existence d’alternatives de paiement moins coûteuses à celles proposées via l’App Store. En interdisant la promotion de canaux concurrents directement dans les applications ou sur sa plateforme, la firme de Cupertino aurait contrevenu à une règle essentielle du DMA : le droit des développeurs à orienter les consommateurs vers d’autres offres.
La Commission dénonce des « restrictions imposées par Apple qui nuisent à la concurrence et aux droits des consommateurs ». Elle exige que l’entreprise modifie sa politique commerciale sous 60 jours, faute de quoi elle s’exposera à de nouvelles sanctions, voire à une interdiction d’exercer sur le marché européen.
Meta : un abonnement payant controversé pour la protection des données
Meta, maison mère de Facebook, Instagram et WhatsApp, est de son côté accusée de ne pas avoir respecté l’exigence du DMA qui impose aux grandes plateformes de proposer une version de leurs services sans collecte de données personnelles. En réponse à cette obligation, Meta avait mis en place une option payante pour désactiver les publicités ciblées.
Or, selon la Commission, cette solution est « incompatible avec l’esprit du règlement ». Pire encore, l’offre gratuite continuerait à utiliser les données personnelles à des fins de profilage, quoique de façon moins personnalisée. L’Union européenne estime que cette approche ne garantit pas aux utilisateurs un véritable choix éclairé.
Une nouvelle version du système a été récemment soumise par Meta, mais elle reste sous évaluation. Si elle ne satisfait pas aux exigences européennes, une autre amende pourrait être prononcée.
Des sanctions historiques dans un climat géopolitique tendu
Au-delà des montants — certes significatifs mais modestes au regard des bénéfices colossaux des deux groupes (respectivement 82 milliards d’euros pour Apple et 55 milliards pour Meta en 2024) — ces sanctions marquent un tournant dans la volonté de l’Union européenne de faire respecter son cadre réglementaire.
Elles interviennent dans un contexte diplomatique complexe. Les relations commerciales entre Bruxelles et Washington sont actuellement sous tension, en raison des droits de douane instaurés par l’administration Trump. Ce dernier n’a jamais caché son hostilité envers les mesures prises par l’Europe à l’encontre des géants américains du numérique.
Pour éviter d’envenimer la situation, la Commission avait d’ailleurs initialement reporté l’annonce de ces sanctions, bien que les procédures aient été clôturées depuis plusieurs semaines.
La riposte d’Apple et Meta
Apple n’a pas tardé à réagir. Dans un communiqué envoyé à la presse, la firme californienne se dit « injustement ciblée » et annonce son intention de faire appel. Elle affirme avoir investi des centaines de milliers d’heures d’ingénierie pour se conformer au DMA, tout en dénonçant une modification constante des règles du jeu de la part de la Commission.
Meta, quant à elle, se montre encore plus virulente. Le groupe dirigé par Mark Zuckerberg accuse Bruxelles de freiner l’innovation américaine tout en « fermant les yeux sur les pratiques des entreprises chinoises », qu’elle considère moins contraintes.
Un signal fort pour l’avenir du numérique en Europe
Pour Teresa Ribera, vice-présidente de la Commission européenne en charge de la concurrence, les sanctions infligées « envoient un message fort et clair : toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, doivent respecter les lois et valeurs européennes ».
Ces décisions ne sont qu’un début. D'autres enquêtes sont en cours, notamment contre Apple pour son refus d’autoriser de véritables alternatives à l’App Store, ou encore contre Google pour des pratiques jugées anticoncurrentielles dans la recherche en ligne et sur son Play Store.
Un bras de fer à suivre de près
Le bras de fer entre l’Europe et les géants de la Silicon Valley est loin d’être terminé. Mais une chose est certaine : l’Union européenne entend bien reprendre la main sur son espace numérique, imposant un cadre clair et contraignant aux grandes plateformes. Le DMA, encore à ses débuts, pourrait bien redéfinir durablement les règles du jeu du numérique mondial.